Avance rapide pour la vidéo à la demande

© ThinkStock

Le marché de la VOD pèse 45 millions d’euros. Un nouveau relais de croissance pour l’industrie du film. Et un bon filon pour les opérateurs télécoms.

Les ménages belges sont particulièrement friands de Video on Demand (vidéo à la demande ou VOD). Ils sont mêmes les deuxièmes plus gros consommateurs en Europe, juste derrière les Portugais, avec un montant moyen de 9,74 euros dépensés en 2010 pour des programmes de VOD (films, séries, documentaires, concerts…) visionnés sur leur télévision numérique. C’est ce qui ressort des derniers chiffres de la Belgian Entertainment Association (BEA), dévoilés en primeur par Trends-Tendances. Selon la fédération représentant l’industrie de la vidéo, de la musique et du jeu vidéo, le marché de la VOD a bondi de 30 % entre 2009 et 2010. “Cela démontre que les Belges se dirigent de plus en plus vers la consommation digitale, indique Olivier Maeterlinck, directeur de la BEA. La part de marché de la VOD va continuer de grandir dans les années à venir. C’est une nouvelle forme de consommation qui s’ajoute aux marchés du cinéma, du DVD et du Blu-ray.”

DVD : un marché sous pression

Pour l’industrie du film, c’est évidemment une bonne nouvelle. Le marché du DVD subit en effet une forte pression. Après un regain de forme en 2007, les ventes sont en baisse constante depuis 2008 (voir tableaux ci-contre). L’année dernière, le marché du DVD en Belgique s’est en-core contracté de 10 %. Le support physique est-il dès lors condamné ? Olivier Maeterlinck n’en est pas convaincu : “Malgré la baisse du marché du DVD, la demande reste importante pour les produits physiques, insiste-t-il. Le Belge aime collectionner les beaux objets. Les DVD ou les Blu-ray, qui apportent des bonus, des making off… en font partie.”

En revanche, la chute est particulièrement marquée du côté des loueurs de films : leurs rentrées ont été divisées par deux depuis 2005. Même si le téléchargement illégal a aussi joué un rôle non négligeable, l’impact de la VOD sur la baisse de fréquentation des vidéoclubs est très net. Sur la période 2005-2010, le chiffre d’affaires de la VOD a véritablement flambé, passant de 2,3 millions d’euros à…45,8 millions d’euros ! Malgré un prix un peu plus élevé qu’en vidéoclub, surtout au rayon nouveautés, le système a su convaincre les consommateurs. Les atouts principaux : plus besoin de se déplacer, plus de risques de se voir chiper le dernier exemplaire du film, et des catalogues bien étoffés à disposition (1.500 films chez Belgacom, 1.000 films chez Voo par exemple).

La VOD fait grimper le revenu moyen par client

Les opérateurs télécoms ont bien compris l’intérêt de se positionner dans ce créneau. Belgacom est le premier à s’être profilé sur la VOD, dès le lancement de son offre TV en 2005. “Aujourd’hui, environ un tiers de nos clients TV consomment de la vidéo à la demande au moins une fois par mois, indique Tanguy Dekeyser, responsable VOD chez Belgacom TV. C’est un des taux les plus élevés en Europe.”

Sur un million de clients environ, ils sont donc plus de 300.000 à utiliser le service. Résultat : la VOD a contribué à faire bondir le revenu généré par chaque client Belgacom TV. L’ARPU (revenu moyen par utilisateur) est ainsi passé de 12 euros en 2006 à 19,2 euros au deuxième trimestre 2011.

Les deux autres gros pourvoyeurs de films et de séries à la demande, ce sont les câblo-opérateurs : Telenet au Nord et Voo au Sud. Ce dernier, présent en Wallonie et à Bruxelles, a lancé son système en 2009. Les deux millions de téléchargements ont depuis lors été dépassés. “Un abonné au Voocorder sur deux passe chaque mois une commande payante”, assure Marie-Pierre Dinsart, porte-parole de Voo. Malgré un léger surcoût, la moitié des programmes téléchargés le sont en haute définition.

La VOD est devenue un produit d’appel pour les opérateurs, qui se sont lancés dans une guerre du contenu en vue d’attirer les clients vers leurs offres groupées (téléphone, Internet, TV). Voo se plaît à souligner que l’ensemble de son catalogue est disponible en VO et en VF, contrairement à son grand concurrent Belgacom. Le câblo wallon était aussi le premier à se lancer dans l’offre 3D, y compris dans le X, un segment toujours porteur. Du côté de Belgacom, on met en avant ses solutions de portabilité. Avec son offre “TV partout”, le client peut consommer la TV classique et la VOD sur sa tablette, sur son smartphone, et bientôt sur son PC portable. Un concept impossible à copier pour Voo, qui ne possède pas (encore) de réseau GSM.

Netflix en Belgique ?

La présence massive de Belgacom, Telenet et Voo a laissé peu de place aux autres acteurs. Mobistar TV lance cette semaine son propre service. Mais avec ses 21.000 clients, l’opérateur est pour l’instant un acteur secondaire du marché. Les fabricants de console se sont aussi lancés dans l’aventure. Sony, par exemple, permet aux joueurs de Playstation 3, d’accéder au catalogue (payant) Mubi, qui propose des films à la carte ou un abonnement mensuel. Belgacom a d’ailleurs conclu un partenariat similaire avec Mubi en février dernier, afin de compléter son offre avec des grands classiques ainsi que des films indépendants.

DVD Post, le loueur de DVD par correspondance, s’est lui aussi jeté à corps perdu dans la VOD (lire l’encadré). Quant aux grands acteurs de la VOD au niveau mondial (Netflix, Hulu), ils n’ont pas encore approché le marché belge. Le géant américain Netflix a annoncé son intention de mettre le pied en Espagne en 2012. Un premier test européen pour l’entreprise, qui compte 25 millions d’abonnés aux Etats-Unis et au Canada, et propose une offre à faire pâlir d’envie les cinéphiles : l’accès illimité à un catalogue de plusieurs dizaines de milliers de titres pour 7,99 dollars par mois. Pas étonnant que Netflix accapare plus de 30 % de la bande passante aux USA, où la VOD a véritablement explosé : chaque ménage y dépense plus de 16 euros par an en services de vidéo à la demande.

En attendant l’hypothétique arrivée de Netflix ou de son concurrent Hulu, le marché belge reste aux mains des opérateurs télécoms. Détenteurs du câble ou de la ligne téléphonique, ils sont les mieux placés pour amener leur catalogue directement au consommateur… et ils sont gagnants sur tous les tableaux. Soit le consommateur télécharge des films payants sur leur catalogue VOD. Soit il télécharge des films par Internet sur un catalogue tiers, ce qui implique inévitablement qu’il consomme de la bande passante sur le réseau de ces mêmes opérateurs. Et comme l’Internet illimité n’est pas encore bon marché en Belgique… “Il est important que les fournisseurs d’accès laissent de la place aux nouveaux opérateurs pour leur permettre de développer de nouveaux services de VOD”, prévient Olivier Maeterlinck (BEA). Une concurrence accrue et la multiplication des acteurs devraient servir les intérêts des consommateurs, mais aussi du secteur du film. L’objectif des majors et des structures indépendantes est simple : rentabiliser au maximum leurs catalogues de films et de séries. Grâce à la VOD, elles ont trouvé un nouveau relais de croissance.

GILLES QUOISTIAUX

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content