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Haro sur les obligations américaines !

Bill Gross, le légendaire fondateur du groupe Pimco, considère que les cours des obligations de l’Etat américain vont sérieusement fléchir dans les mois à venir. Autrement dit, les taux d’intérêt vont assez vivement remonter.

Le Pimco Total Return, le plus important fonds obligataire du monde avec 237 milliards de dollars sous gestion, a liquidé tout le papier émis par l’Etat américain qu’il avait en portefeuille ! Ces obligations représentaient 22 % de ses actifs jusqu’au début février, quand il a annoncé être revenu à 12 %. Un bon mois plus tard, il a donc mis le compteur à zéro. Pourquoi cette véritable fuite ? Bill Gross, le légendaire fondateur du groupe Pimco, considère que les cours des obligations de l’Etat américain vont sérieusement fléchir dans les mois à venir. Autrement dit, les taux d’intérêt vont assez vivement remonter.

Cette crainte peut paraître étrange, aussi vrai que les taux d’intérêt américains sont fort sages ces derniers mois. Après une petite poussée de fièvre au début février, les taux à 10 ans sont revenus aux alentours de 3,35 %, leur niveau de la fin 2010 et début 2011. Et ceci alors que les indicateurs économiques ont, dans l’ensemble, plutôt confirmé la reprise économique dont bénéficie le pays. On ne peut toutefois oublier que les obligations d’Etat bénéficiant du rating maximum AAA – ce qui vaut toujours pour les Etats-Unis, comme pour l’Allemagne notamment – constituent une valeur refuge quand le monde connaît des tensions et que les Bourses en subissent le contrecoup. Or, tel fut bien le cas ces dernières semaines avec les événements d’Afrique du Nord et du Proche-Orient, et aujourd’hui encore avec le désastre qui frappe le Japon.

Une comparaison avec l’Europe, c’est-à-dire avec les obligations de l’Etat allemand, peut toutefois induire un certain doute. Ici, la détente des taux est en effet beaucoup moins nette. Parce que les Treasuries sont une valeur refuge plus universelle que les Bunds ? Possible. A en croire Bill Gross, il y aurait une autre raison : ce sont les achats frénétiques de la Federal Reserve qui soutiennent les cours des obligations américaines et assagissent donc les taux. Selon lui, la Fed se porte aujourd’hui acquéreuse de pas moins de 70 % du papier émis par Washington ! Tel est du reste bien le but de ces “mesures quantitatives” mises en place par la banque centrale américaine : contenir toute montée des taux pour favoriser l’économie.

Or, en raison du redémarrage plutôt satisfaisant de l’économie US, quasiment tous les analystes s’accordent aujourd’hui sur le fait que le programme de rachats en cours ne sera pas prolongé après le mois de juin. Certains se demandent même s’il sera poursuivi jusque-là. C’est bien cela, on l’a compris, qui inquiète le patron de Pimco, lequel n’imagine pas que les autres acheteurs de Treasury bonds puissent du jour au lendemain tripler leurs emplettes. Cette situation est connue, le marché en tient déjà compte et il n’y a donc pas de mouron à se faire, rétorquent les optimistes. Peut-être, ou peut-être pas…

En fait, la menace est double et c’est à ce niveau qu’elle pourrait être sous-estimée. Lorsqu’on évoque l’abandon des mesures de soutien à l’économie dans le chef de la Fed, on retient souvent un possible relèvement des taux à court terme, qui sont actuellement au plancher. Beaucoup semblent oublier qu’un retour à la normale signifie également une revente progressive des plus de 2.000 milliards d’obligations accumulées par la Fed. Cela se fera très prudemment, certes, mais sera-ce pour autant sans douleur ? Certains y voient en tout cas une menace pour le secteur financier : très braqué sur le risque de crédit, il semble avoir négligé ce risque-là et il pourrait s’y montrer vulnérable. Un thème de réflexion à l’attention des analystes… pour l’après-Japon.

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