Affaire Bois Sauvage : une justice de riches?

La proposition de transaction pénale faite au holding Bois Sauvage par les autorités judiciaires et le gendarme des marchés financiers (la FSMA) suscite la polémique. Pour 9 millions d’euros, cet accord à l’amiable devrait mettre fin le 6 décembre prochain aux poursuites engagées contre la société et ses dirigeants. Choquant ? L’avis de Jean-Pierre Buyle, avocat spécialisé en droit des affaires et ancien bâtonnier de Bruxelles.

Le procès n’aura pas lieu. Alors que celui-ci devait s’ouvrir aujourd’hui, la Compagnie du Bois Sauvage et ses dirigeants (Luc Vansteenkiste en tête) ont conclu un accord à l’amiable avec la justice pour mettre fin aux poursuites à leur encontre pour cause de délit d’initié dans le cadre démantèlement du groupe Fortis en 2008. Montant du chèque : 9 millions d’euros. Doit-on du coup parler de justice pour riches ? Peut-on légalement acheter son procès comme le clament certains (Georges Gilkinet, Philippe Moureaux, etc.) ? L’avis de Jean-Pierre Buyle, avocat spécialisé en droit des affaires au cabinet Buyle Legal et ancien bâtonnier de Bruxelles. Acheter son procès de cette manière n’est-il pas choquant ? Le populisme de certains m’étonne. Il ne s’agit nullement d’acheter son procès mais tout simplement d’appliquer une loi qui a été votée démocratiquement au Parlement et qui répond aux besoins d’une justice moderne. La transaction pénale est une autre manière légale de payer une dette envers la société. La procédure est bien encadrée sur le plan juridique. Il faut notamment que toutes les parties soient indemnisées. J’ajoute que le parquet n’accepte pas si facilement de passer ce genre d’accord. Si l’ordre social est à ce point troublé, il dira non. D’accord mais cela donne l’impression d’une justice de classe ? Je suis prêt à entendre que la transaction pénale est une solution pour ceux qui ont les moyens de payer. Elle est néanmoins proportionnelle à la situation financière du prévenu. Le parquet proposera une transaction adaptée à l’état de fortune de celui qui la demande. Qu’entendez-vous par justice moderne ? La prison a été introduite au 19e siècle pour mettre fin aux peines physiques. On ne peut pas dire qu’au siècle passé, cette peine ait montré son efficacité. Il faut réfléchir aux peines alternatives (travail d’intérêt général, bracelet électronique, etc.). Des Etats modernes comme la France les encouragent. Lorsque j’ai commencé comme jeune avocat en 1976, il y avait 6.000 personnes en prison. On en compte aujourd’hui 13.000, dont la moitié sont des innocents, dans la mesure où celles-ci sont en détention préventive sans condamnation. J’insiste, réfléchissons aux peines alternatives. La transaction pénale en est une. Elle permet d’éviter des procédures interminables, pour ne pas dire gâchis, comme le procès KB Lux ou l’affaire de Croÿ. Ce sont des procès qui coûtent cher à l’Etat. La délinquance financière est-elle moins grave que d’autres délits, selon vous ?

Je ne sous-estime ni la gravité ni les conséquences sociales de la délinquance financière. Mais elle est proportionnellement moins grave pour la société que les infractions sur les personnes (meurtre, viol, coups et blessures, etc.). Il faut faire la distinction entre un assassinat et une affaire de blanchiment ou un délit d’initié. On met un assassin en prison pas une entreprise. C’est en s’attaquant à leur portefeuille qu’on sanctionne de manière plus efficace les délinquants financiers.

Propos recueillis par Sébastien Buron

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