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Piketty brise le rêve américain

L’été est propice aux lectures et s’il n’y avait qu’un livre à lire cette année en économie, c’est celui de l’économiste français Thomas Piketty intitulé Le Capital au 21e siècle.

Le livre a encore fait plus de bruit depuis qu’il a été édité en anglais et ce jeune économiste français est devenu la coqueluche des médias américains. La raison en est simple: lorsqu’on écoute les économistes américains, ils disent souvent que malgré tous ses défauts, la société américaine permet encore le rêve américain. Autrement dit, c’est le pays où l’ascenseur social fonctionnerait le mieux, le pays où le talent et le mérite seraient le mieux récompensé. Sauf que Piketty, en plusieurs centaines de pages, avec des tas de tableaux et graphiques historiques, démontre que c’est totalement faux !

Primo, si c’était sans doute le cas hier, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Sinon comment expliquer, pour ne donner qu’un seul exemple (1), que les 25 gestionnaires de fonds d’investissement parmi les mieux rémunérés aux Etats-Unis ont gagné en 2013 environ 16 milliards d’euros, soit plus de deux fois le revenu cumulé de 150.000 enseignants de maternelle aux Etats-Unis. Donc, si la rétribution sociale est uniquement fonction des mérites des uns et des autres, comme le disent ces économistes, cela voudrait dire qu’un gestionnaire de fonds d’investissement vaut… 17.000 professeurs d’école maternelle ! Est-ce l’avis des parents ou des professeurs ? La question mérite d’être posée !

Quant aux économistes américains qui disent et tentent de démontrer le contraire, Piketty les tient pour quantité négligeable, car comme il l’écrit dans l’introduction de son livre, il a lui-même enseigné comme professeur au MIT, l’une des plus prestigieuses universités américaine. Là, il a compris que ces économistes étaient biaisés de deux façons. La première, c’est qu’ils sont myopes: ils font eux-mêmes partie des 10% de personnes les plus riches des Etats-Unis. La seconde, c’est parce que ces économistes travaillent souvent pour le monde financier, comme salariés ou consultants: ils ne vont pas trop critiquer la main qui les nourrit !

Mais le livre de Piketty va bien plus loin que l’exemple que je viens de citer. À défaut de remettre en cause le capitalisme comme l’a fait Marx, il prône que l’on diminue au moins les inégalités actuelles. Ce qu’il dit est autant valable pour l’Europe que pour les Etats-Unis. Au fond, ce qu’il dit plaît à la gauche, car il apporte des chiffres et des séries statistiques de longue durée pour démontrer ce qui jusqu’à présent n’était qu’intuitif.

(1): Le monde diplomatique, août 2014

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