“La hausse des taux de la BCE ne suffira pas à contenir l’inflation !”

© Reuters

L’inflation en zone euro a atteint son plus haut niveau depuis deux ans, dépassant le plafond fixé par la BCE. Pour Jean-Marc Daniel, directeur de la revue Sociétal, l’institution de Francfort doit changer sa politique monétaire. Voici comment.

Les prix des matières premières flambent. Conséquence: les prix à la production ne cessent d’augmenter dans la zone euro et l’inflation a dépassé le seuil symbolique des 2% en décembre. Ces tensions inflationnistes menacent-elles la reprise en Europe ?

Oui dans le sens où l’inflation érode le pouvoir d’achat des ménages, même si l’on constate généralement une certaine inertie dans les comportements de consommation. Néanmoins, je pense que la Banque centrale européenne (BCE) va désormais adapter sa politique monétaire afin d’éviter ces tensions inflationnistes.

Faut-il s’attendre à ce que la BCE relève son taux directeur, qui est à 1% depuis plus d’un an ?

Je pense en effet que la BCE va annoncer très prochainement, dès ce mois-ci ou en février, un relèvement de son principal taux directeur. Cette hausse des taux se fera de façon très progressive, de l’ordre d’un demi-point, afin de ne pas provoquer de krach obligataire qui mettrait en péril la fragile santé du système bancaire européen. Cette politique de hausse des taux ne sera donc pas suffisante pour contenir l’inflation.

Quels autres outils peut-elle mettre en oeuvre ?

La BCE devra à moyen terme rééquilibrer son bilan, c’est-à-dire réduire ses actifs qui ont considérablement gonflé depuis trois ans et qui sont équivalents à plus du double de ses ressources. Le problème est que ses actifs sont en grande partie “toxiques”: depuis la crise grecque, la BCE est en effet intervenue directement sur le marché obligataire et a racheté 72 milliards d’euros d’emprunts grecs, portugais, irlandais et espagnols, afin de réduire le coût de refinancement de ces Etats. Or elle ne pourra vendre ces titres qu’au rabais, vu le faible engouement des investisseurs. C’est par anticipation de ces pertes, à mon avis, que la BCE a procédé à une augmentation de capital en décembre.

Si la BCE revend massivement la dette des pays fragiles de la zone euro, cela ne risque-t-il pas d’affoler les marchés et de créer une nouvelle crise financière ?

Si, c’est pourquoi l’institution de Francfort va commencer par vendre ses bons actifs. Elle peut aussi compter sur la dépréciation du dollar pour réduire son bilan. Mais ce ne sera pas suffisant, car ses réserves en dollar ne s’élèvent qu’à 250 milliards [NDLR: contre plus de 2650 milliards pour la Chine]. Assez rapidement, dès l’automne je pense, la BCE va donc commencer à vendre ses actifs de dettes des Etats.

Propos recueillis par Emilie Lévêque, L’Expansion.com

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