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Le Nobel d’économie à la rescousse de la mobilité à Bruxelles

Bien que les autorités reconnaissent les problèmes d’infrastructures, les conséquences en matière d’embouteillages sont souvent associées aux habitudes des navetteurs et à l’utilisation de leur voiture de société.

Commençons par rappeler qu’aujourd’hui, si l’on bénéficie d’une voiture de société, plus aucuns frais de transport domicile-travail ne sont remboursés. Il est donc rationnel pour beaucoup de personnes d’aller travailler en voiture, et le programme cash for car n’y changera pas grand-chose.

Les habitudes ont la vie dure

Suite à la fermeture inattendue du viaduc Herrmann-Debroux début octobre, des solutions de délestage ont, dans l’urgence, été proposées, notamment via le nouveau parking de Louvain-la-Neuve, qui bénéficiait soudainement d’une publicité à quelques jours de son ouverture officielle. Ces alternatives n’ont évidemment pas fonctionné : on ne change pas des habitudes du jour au lendemain. Le nouveau prix Nobel d’économie, Richard Thaler, l’aurait prévu. Il appelle cela le biais de statu quo : il montre en effet qu’un individu va maintenir un comportement identique, même si ce comportement n’est clairement plus le meilleur pour lui (et pour les autres).

Influence invisible

Le nouveau prix Nobel n’en resterait pas là. Il aurait quelques solutions à proposer. Une de ses théories phares est le paternalisme libertarien. Il défend ainsi l’idée que si chacun doit pouvoir être libre de ses choix, la façon dont ces choix sont proposés peut influencer la manière dont nous allons les poser.

Prenons l’exemple de la voiture de société : certaines entreprises proposent au travailleur de ” sacrifier ” une partie de son budget auto pour financer un abonnement de transport en commun. S’il fait l’effort de choisir cette combinaison, le travailleur peut alors choisir, en fonction de ses propres contraintes, de venir travailler en voiture de société (un peu moins bien équipée dès lors) ou en transport en commun

Et pourquoi ne pas abandonner le RER afin de privilégier l’aménagement des structures déjà construites en pistes pour vélos et scooters électriques.

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Le paternalisme libertarien préconiserait plutôt qu’une combinaison entre une voiture et un abonnement de transports en commun soit proposée par défaut au travailleur. Ce n’est que s’il le demande expressément qu’il pourrait consacrer l’entièreté de son budget au véhicule de société. Cela ne change strictement rien à l’offre qui lui est faite. Mais la façon de proposer les différentes alternatives (la combinaison devient la proposition ” par défaut “) suffira à ce que davantage de travailleurs choisissent la formule combinée.

On pourrait même imaginer une formule où le travailleur reçoit une voiture de société et un abonnement de transport en commun pour un seul jour de la semaine. Ainsi, il ne serait pas trop troublé dans ses habitudes. Il serait juste incité à essayer le transport en commun un jour par semaine. Ce n’est que s’il veut absolument le toit ouvrant dans sa voiture, ou l’attache-remorque, qu’il devrait faire l’effort d’abandonner son abonnement pour financer ces options. Cela paraît anodin, mais si tous les navetteurs utilisaient la formule combinée, le flot de voitures serait diminué de 20 % chaque jour !

Et pourquoi ne pas abandonner le RER, pour lequel manifestement il n’y a plus de volonté politique, afin de privilégier l’aménagement des structures déjà construites en pistes pour vélos et scooters électriques. La formule standard proposerait alors une voiture + un abonnement de transport en commun ou une voiture + un vélo électrique, avec la possibilité, sur demande expresse du navetteur, de ne disposer que d’une voiture.

Bien sûr, ce type de mesures est trop ” faible ” au regard des objectifs ambitieux et urgents de réduction de la pollution. Mais, à défaut de supprimer les voitures de société, ce qui ne réglerait pas le problème de pollution et demanderait de modifier une grande partie de la fiscalité, ces mesures auraient au moins le mérite d’assurer un début de transition vers une autre mobilité, là où aujourd’hui on se borne à culpabiliser les navetteurs en pensant que cela les fera changer.

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