Hervé Falciani, à l’origine des Swissleaks, arrêté en Espagne

Hervé Falciani © Reuters

Un ex-informaticien franco-italien de la banque HSBC Suisse, Hervé Falciani, à l’origine de la révélation du scandale d’évasion fiscale des “Swissleaks”, a été arrêté mercredi à Madrid à la demande de la Suisse, a-t-on appris de source policière.

“Son arrestation s’est produite à Madrid, dans la rue, alors qu’il se rendait à une conférence”, a déclaré un haut responsable de la police espagnole à l’AFP.

Le célèbre lanceur d’alerte a été interpellé à la demande de la Suisse “qui sollicite son extradition”, a indiqué ce responsable policier.

Le président du Syndicat des inspecteurs du fisc Gestha, l’Espagnol Carlos Cruzado, a aussitôt dénoncé cette arrestation dont il a lui-même été témoin.

“Le paradoxe, c’est précisément qu’il a été arrêté à l’entrée d’un débat sur la nécessité de protéger les lanceurs d’alerte et sa chaise est restée vide”, a expliqué à l’AFP M. Cruzado. Le débat à l’Université Pontificia de Comillas s’intitulait “quand dire la vérité est héroïque”.

“Il est extrêmement regrettable qu’ils l’arrêtent, nous ne le comprenons pas”, a dit ce fonctionnaire du ministère des Finances, plaidant que “Falciani a collaboré avec la justice et aidé à révéler des agissements illicites et à récupérer de l’argent des fraudeurs”.

Hervé Falciani est considéré comme un héros chez les lanceurs d’alerte de la finance mondialisée, les fichiers de HSBC ayant permis à un consortium de journalistes mené par le quotidien français Le Monde de dévoiler un immense système d’évasion fiscale européen.

Le scandale “Swissleaks”, déclenché par le vol de dizaines de milliers de documents bancaires, avait révélé l’existence de comptes non déclarés dans la filiale genevoise d’HSBC, qui appartenaient à des milliers de contribuables pratiquant l’évasion fiscale à travers le monde.

Ce scandale a éclaté dès 2009 quand le ministère français de l’Economie a révélé disposer d’une liste de 3.000 Français titulaires de comptes en Suisse où étaient déposés 3 milliards d’euros.

Fin 2009, les fichiers de la “liste Falciani” avaient déjà permis d’identifier 127.000 comptes appartenant à 79.000 personnes de 180 nationalités.

Les données transmises par Falciani ont entraîné des condamnations et enquêtes fiscales en France, en Espagne, en Grèce, en Argentine ou encore en Grande-Bretagne…

La Suisse a en outre renoncé définitivement en 2017 au secret bancaire.

Celui que la presse française avait surnommé le “Snowden de la fraude fiscale” ou “l’homme qui fait trembler les riches” a eu un parcours rocambolesque: il avait débuté comme employé de casino à Monaco au début des années 90, avant de devenir informaticien de la banque HSBC en 2000, à Monaco puis à Genève en 2005.

En 2015, un journaliste du Monde, Gérard Davet, avait relaté à la radio la drôle de façon dont Falciani s’était converti en lanceur d’alerte: ayant eu “accès à des données cryptées qui n’ont plus été cryptées pendant un court moment, il se les procure puis essaie de partir avec sa maîtresse pour les vendre au Liban mais ça ne marche pas”.

“Il revient en Suisse, qui veut l’arrêter, le met sur écoutes, il s’en rend compte, mais au même moment il est en relation avec les services secrets français: il se réfugie en France et décide de se transformer en lanceur d’alerte et transmet ses fichiers au fisc français”, a résumé M. Davet.

A l’été 2012, Falciani avait déjà été arrêté à Barcelone et placé en détention provisoire plusieurs mois à la demande de la justice suisse.

Puis il avait collaboré avec les autorités espagnoles ainsi qu’avec la France. Ces deux pays avaient refusé de l’extrader vers la Suisse qui le recherchait pour “soustraction de données” et “violation du secret bancaire et du secret commercial”.

Lors des dernières élections européennes de 2014, il était tête de liste en Espagne, sous les couleurs de Partido X – petit parti issu du mouvement “Indignés” – mais il n’avait pas été élu.

En novembre 2015, Falciani avait été condamné – en son absence – par le tribunal pénal fédéral suisse à cinq ans de prison pour espionnage économique.

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