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Sera-ce suffisant ?

Les autorités européennes ont décidément le chic pour faire vibrer les marchés. Le 29 juin, les déclarations très volontaristes ayant clôturé le sommet de Bruxelles avaient imprimé un bond de 2,66 % aux actions européennes, porté à 5,20 % sur trois séances. Quatre semaines plus tard, c’est le discours de Mario Draghi, président de la BCE, qui les fait bondir de 2,47 % sur la journée et de 5,44 % sur trois jours. Ces mêmes autorités sauront-elles confirmer l’essai et rassurer les investisseurs sur la durée ? On devrait en savoir plus aujourd’hui même, à l’issue de la réunion de politique monétaire de la Banque centrale européenne. C’est à espérer, en tout cas, sous peine de très grosse déception !

“La BCE est prête à faire tout ce qu’il faudra pour sauver l’euro. Et croyez-moi, ce sera suffisant !”, a affirmé Mario Draghi à Londres jeudi dernier. Reproduite tous azimuts, cette mâle détermination ne saurait occulter le c£ur de son propos, à savoir qu’il entre dans le mandat de la BCE d’empêcher que des taux trop élevés sur les obligations d’Etat prive sa politique monétaire d’effets sur l’économie. En clair, la Banque centrale peut (doit ?) agir quand les taux s’envolent, comme en Italie et en Espagne. Message bien reçu par les marchés, puisque ces taux ont aussitôt dégringolé. S’il n’y a pas d’équivoque sur le fond, qu’en est-il toutefois de la forme ?

En théorie, les possibilités ne manquent pas. D’abord, des achats directs d’obligations par la BCE. Cela s’est fait en automne 2011 encore, pour juguler l’incendie qui embrasait alors la dette des pays périphériques. Mais c’est une initiative à réserver en cas de coup dur momentané. Et encore… C’est ce qu’affirme en tout cas Berlin, qui n’en veut plus. Ensuite, ouvrir tout grand le robinet au bénéfice des banques, comme en décembre 2011 puis en février de cette année. En espérant qu’elles profiteront de cet argent abondant et bon marché pour acheter des obligations d’Etat. C’est ce qu’elles ont fait en Italie et en Espagne, mais de manière limitée et sans lendemain. A preuve : 800 des quelque 1.000 milliards d’euros ainsi distribués dorment depuis sur les comptes de ces banques à la BCE. Inutile, donc, d’en remettre une couche.

Justement, puisque ce bel argent dort toujours à la BCE bien qu’il n’y rapporte plus rien depuis le 5 juillet dernier, pourquoi ne pas pousser le bouchon plus loin encore en pénalisant cette manne stérile d’un taux négatif ? C’est le pas franchi par le Danemark le 6 juillet. A en juger par le taux (légèrement) négatif que certains acceptent aujourd’hui de payer pour le papier à court terme des pays “forts”, il n’est pas sûr que ce soit suffisamment coercitif. Et si les banques choisissent d’éviter cette pénalité en allongeant la durée de leurs placements, il est à craindre qu’elles visent les obligations des mêmes pays forts et non celles de l’Italie et de l’Espagne.

Reste, plus classiquement, à utiliser le Fonds européen de stabilité financière (FESF), en attendant que son successeur MES soit opérationnel. Problème : pour que ces fonds aient les moyens d’acheter massivement des obligations d’Etat, il faut les booster d’une manière ou d’une autre. L’idéal serait de les doter du statut bancaire, ce qui leur permettrait d’emprunter auprès de la BCE. Les puristes ne sont toutefois pas dupes : cela reviendrait alors à des achats par la BCE, mais indirectement. Pas question, pour eux, sans de solides garanties de la part des pays ainsi aidés. Tel est le décor de la pièce qui se joue aujourd’hui même. Du moins en principe…

GUY LEGRAND, DIRECTEUR ADJOINT

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