Réforme: un régime à points pour sauver le financement des pensions?

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La Commission de réforme des pensions 2020-2040 a remis son rapport. Elle propose un système de calcul par points, qui rapproche les régimes des salariés, des indépendants et des fonctionnaires. Sans les fusionner. Elle est plus floue sur l’allongement possible des carrières. Jusqu’à 67 ans en 2030 ? Pas sûr…

Après des années de palabres, de congrès et de commissions, un projet de réforme est enfin esquissé. La Commission de réforme des pensions 2020-2040, mise en place par le ministre des Pensions, Alexander de Croo, et la ministre des PME et des Indépendants, Sabine Laruelle, en avril 2013, a sorti son rapport juste après les élections.

L’épais document (700 pages, annexes comprises) propose un mécanisme qui devrait rendre le financement des retraites viable à long terme, malgré les effets du vieillissement de la population. Sa réponse est centrée sur un mécanisme de pensions par points. Au fil d’une carrière, le futur retraité accumulerait des points dans un compte, qui représente à la fois une rémunération et un montant de retraite.

Un système plus transparent et plus lisible “C’est une approche qui est plus transparente” estime Franck Vandenbroucke, membre de la commission, qui compte 12 experts. L’ancien président du sp.a, qui a quitté la politique, y figure en tant qu’enseignant à la KULeuven. Le système actuel est illisible et ne permet pas, à la lecture des extraits annuels, d’avoir une idée claire du montant de la pension.

Ainsi, pour un salarié, un point accumulé équivaut à une année de salaire moyen de la population salariée. Si, au terme d’une carrière, un pensionné a accumulé 45 points (sur 45 ans), il recevra une pension moyenne de salarié. S’il accumule 90 points, soit, annuellement, un salaire deux fois supérieur à la moyenne, il recevra une pension représentant deux fois la moyenne des pensions.
Toutefois le mécanisme sera soumis -comme le régime actuel- à un minimum et un maximum. Franck Vandenbroucke espère que le plafond des salariés sera plus élevé que celui utilisé actuellement.

Pas de fusion des régimes mais un principe commun La formule ne fusionne pas les régimes de retraite des salariés, des indépendants et des fonctionnaires, qui resteront distincts. “Il apporte un principe commun pour calculer la durée de la carrière dans chaque régime” dit Jean Hindricks, membre de la Commission, professeur à l’UCL. Les régimes pourraient rester distincts à travers une valeur différente du point -plus élevée pour un fonctionnaire par exemple qu’un salarié. Le système de points intégrera la solidarité et les situations sociales particulières. Les années assimilées (période de chômage, de maladie,…) pourront donner lieu à des points de retraite, selon les discussions avec les partenaires sociaux. Ce système de points de pension est utilisé dans d’autres pays comme l’Allemagne et, partiellement, en France. Pension à 67 ans : le malentendu La Commission ne se prononce pas précisément sur le recul de l’âge de la retraite. Le document envisage de passer à la retraite à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030. Ces hypothèses sont évoquées dans le cadre d’un scenario parmi plusieurs hypothèses. Et a provoqué un malentendu : la réforme est parfois résumée, à tort, à la retraite à 67 ans. “Nous avons déblayé le terrain, mais il y a encore pas mal de travail à faire” commente Jean Hindricks. “Par exemple, il ne sert à rien de parler, maintenant, d’allongement de la carrière sans voir exactement comment évoluera l’allongement de la durée de vie. Il faut aussi voir l’évolution du marché de l’emploi. A quoi bon allonger une carrière s’il n’y a pas suffisamment de travail ?”

Jean Hindricks souhaite éviter la situation actuelle, où le gouvernement sortant a modifié les régimes de retraite anticipée et de prépension pour augmenter l’âge moyen de sortie du travail. Faute d’emploi, l’opération a mené à un transfert des personnes vers le chômage et les congés de maladie.

Le prochain gouvernement décidera Les propositions de réforme constituent un mécanisme général et une série de simulations, de scenarios. “La décisions ne nous appartient pas, c’est pour cela que nous proposons une commission tripartite” continue Jean Hindricks, gouvernements, syndicats et représentants des employeurs.

Qu’adviendra-t-il du rapport et des propositions ? La situation est floue. La Commission a présenté le rapport aux deux ministres qui le lui avaient commandé, Alexander de Croo et Sabine Laruelle, qui ne peuvent y donner suite puisqu’ils appartiennent à un gouvernement en affaire courante. Le document devrait donc attendre l’arrivée du prochain gouvernement qui indiquera s’il y donne suite, s’il demande à la Commission de continuer ses travaux. Ou s’il nomme une autre commission…

Une commission sans président, ou presque Il sera toutefois difficile d’ignorer le document. C’est la première proposition de réforme émanant d’un groupe d’experts nationaux. Un groupe assez particulier, puisque la Commission n’a pas de président. Mais Franck Vandenbroucke semble en tenir le rôle, ou à tout le moins celui de porte-parole : c’est lui qui en a fait la présentation à la presse, et est l’éditeur responsable du rapport.

Robert van Apeldoorn

Le rapport est disponible sur lien suivant : www.pension2040.belgique.be

Composition de la Commission : Françoise Masai (ex-BNB), Bea Cantillon (Universiteit Antwerpen), Jean Hindricks (UCL), Franck Vandenbroucke (KULeuven), Gabriel Perl (ex patron de l’ONP), Erik Schokkaert (KULeuven), Ria Janvier (Universiteit Antwerpen), Jos Berghmans (KULeuven), Alain Jousten (HEC-Ulg), Yves Stevens (KULeuven), Pierre Devolder (ULB), Jacques Boulet.

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