“La proximité avec Bruxelles est un atout majeur pour le Brabant wallon”

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Troisième étape de notre Top provincial, le Brabant wallon s’est imposé au fil du temps comme la province la plus riche de Wallonie. Bénéficiant de sa proximité avec le pôle économique numéro un du pays : Bruxelles.

Retrouvez le classement complet des 100 premières entreprises du Brabant wallon dans le magazine Trends-Tendances daté du 8 mars 2012. Un palmarès établi sur base des données du Trends Top.

Idéalement situé dans la périphérie de Bruxelles, le Brabant wallon compte de nombreuses PME qui constituent l’essentiel de son tissu économique. Mais c’est également dans la plus jeune et la plus petite province de la Région wallonne que l’on retrouve le premier employeur privé du sud du pays : GSK. N’oublions pas aussi le rôle que joue le pôle universitaire de Louvain-la-Neuve dans le développement et le rayonnement du Brabant wallon. Professeur de géographie économique à l’UCL et directeur de recherche au FNRS, Isabelle Thomas aborde avec nous la réalité économique et spatiale de la province.

On a coutume de souligner l’importance de Bruxelles dans le développement économique du Brabant wallon, qu’en est-il ?

C’est une petite province mais très bien localisée qui se caractérise par un PIB élevé et une population aux revenus supérieurs à la moyenne. Elle doit principalement cette richesse à sa proximité avec Bruxelles. La capitale constitue un atout majeur. En effet, une capitale attire les entreprises, les travailleurs, les habitants et comme toute grande ville, elle s’étale en “tache d’huile” depuis des décennies. Cette périurbanisation bruxelloise est particulière en ce sens qu’elle s’étend au-delà des limites de la Région de Bruxelles-Capitale dans deux régions différentes (Flandre et Wallonie), et affecte donc la totalité du Brabant wallon. Les mécanismes qui sous-tendent cette extension sont classiques : les ménages recherchent des maisons quatre façades avec du terrain et les entreprises quittent les centres urbains denses et congestionnés. Les autoroutes et le chemin de fer ont largement contribué à cet étalement en Brabant wallon comme en Brabant flamand. Le Brabant wallon dépend de Bruxelles et inversement. Je tiens, cependant, à souligner que c’est une province riche mais dans laquelle il existe de grandes disparités internes avec des communes plus pauvres que d’autres et, à l’intérieur des communes riches, des quartiers pauvres.

L’hinterland bruxellois se développe donc grâce à la capitale et ses habitants en profitent. En revanche, une partie des habitants de Bruxelles s’appauvrit. N’est-ce pas un peu paradoxal ?

Je ne pense pas qu’il faille parler en termes d’enrichissement et d’appauvrissement. Il s’agit de structures spatiales et de goût résidentiel : on aime le vert. La structure spatiale de Bruxelles n’est pas celle de Paris : elle ressemble davantage aux villes américaines avec un centre où vivent des populations – en moyenne – moins aisées et une périphérie plus riche. Cette extension de la périphérie a été facilitée par les infrastructures et politiques de transport. On constate que le prix d’une maison a une forte structure centre-périphérie autour de Bruxelles. En d’autres termes, le prix diminue lorsqu’on s’écarte de Bruxelles. Cela étant, des prix immobiliers élevés caractérisent toutes les grandes villes et ce phénomène n’est ni unique ni mauvais économiquement. Par contre, l’emploi est fortement concentré dans la Région bruxelloise même si, toutes proportions gardées, de nombreuses entreprises, surtout des PME, ont abandonné le centre-ville pour la périphérie.

Est-il possible de mesurer le lien de dépendance entre Bruxelles et le Brabant wallon ?

Il existe plusieurs manières de mesurer les limites de l’extension urbaine mais les résultats dépendront fortement des indicateurs utilisés. En 2010, en collaboration avec Vincent Blondel et Gautier Krings, nous avons proposé une géographie de la Belgique basée sur 200 millions de communications téléphoniques mobiles (1). Sur base des fréquences, nous avons obtenu 17 “bassins téléphoniques”. Le bassin de Bruxelles est le seul qui traverse la frontière linguistique et englobe la totalité du Brabant wallon à l’exception des communes de Nivelles et Orp-Jauche. Cela prouve donc bien qu’il existe autour de Bruxelles de nombreuses communes qui tissent avec le centre urbain des liens fréquents à titre privé ou professionnel.

Cette carte dessine-t-elle aussi le bassin d’emploi bruxellois ?

Non, cette carte mesure surtout une espèce de bassin social. Nous avons réalisé les mêmes calculs avec la même méthode mathématique pour les navettes. Le bassin d’emploi ainsi défini ressemble fortement au bassin téléphonique mais il est plus grand et s’étend plus loin du centre, surtout vers l’ouest. Une part importante des habitants du Brabant wallon va donc quotidiennement travailler dans la Région bruxelloise mais c’est également le cas pour le Brabant flamand, l’est de la province de Flandre-Orientale, le nord des provinces du Hainaut et de Namur. En filigrane de cette réalité se pose la question de la taxation de ces navetteurs : ils travaillent à Bruxelles mais payent des impôts dans leur commune de résidence.

L’achèvement du RER va-t-il accentuer cette tendance à l’urbanisation du Brabant wallon et l’augmentation du nombre de navetteurs ?

Le RER va certainement renforcer les liens entre Bruxelles et son hinterland. Depuis des décennies, les principales zones de périurbanisation en Brabant wallon sont situées le long d’axes de communication (lignes de chemin de fer Bruxelles- Charleroi et Bruxelles Namur), cela ne changera pas avec le RER. L’est de la province a jusqu’ici été épargné mais c’est là que l’on observe aujourd’hui l’accroissement démographique proportionnellement le plus rapide. De grands terrains y sont toujours disponibles dans un cadre mais, certes, moins accessibles en termes de transports en commun.

La périphérie de Bruxelles profite de sa proximité avec cette dernière. L’inverse est-il également vrai ?

Les villes ont besoin de leurs banlieues pour se développer et les banlieues ont besoin du dynamisme du centre-ville. C’est une symbiose. Une grande ville attire des habitants, des emplois, des entreprises mais aussi une offre culturelle (musées, expositions, spectacles, etc.). Elle constitue donc un atout majeur pour une région. Le réseau des petites villes du Brabant wallon ne joue pas dans la même cour.

Propos recueillis par Guy Van den Noortgate

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